Biocontrôle : l’alternative durable pour protéger les cultures des maladies

18 juin 2025

Réinventer la protection des plantes : pourquoi le biocontrôle s’impose aujourd’hui

Au fil des décennies, la gestion des maladies agricoles s’est largement appuyée sur les produits phytosanitaires chimiques de synthèse. Or, l’intensification de leur utilisation a soulevé de multiples enjeux : pollution des eaux, apparition de résistances chez les pathogènes, perte de biodiversité ou encore inquiétudes croissantes des consommateurs pour leur santé. Selon l’INRAE, 80% des résidus de pesticides détectés dans les eaux en France sont issus d'usages agricoles (INRAE, 2023). Face à ces constats, le secteur agricole est à la recherche de solutions réellement durables, capables de préserver les rendements sans sacrifier l’environnement.

C’est dans ce contexte que le biocontrôle gagne du terrain. À la croisée de l’innovation, de la nature et des attentes sociétales, il propose une nouvelle approche, respectueuse des équilibres écologiques et adaptée aux enjeux du XXIe siècle. Mais qu’entend-on précisément par « biocontrôle » ? Quelles sont les solutions aujourd’hui sur le marché et comment sont-elles mises en œuvre sur le terrain ?

Qu’est-ce que le biocontrôle ? Principes clefs et définitions

Le biocontrôle désigne l’ensemble des méthodes de protection des cultures qui s’appuient sur l’utilisation de mécanismes naturels de régulation pour lutter contre les maladies, les ravageurs et les adventices. Contrairement aux produits de synthèse, le biocontrôle privilégie la biodiversité fonctionnelle pour restaurer les équilibres entre organismes vivants au sein des agroécosystèmes.

  • Micro-organismes bénéfiques : bactéries, champignons ou virus antagonistes des agents pathogènes (ex : la bactérie Bacillus subtilis utilisée contre diverses maladies fongiques en maraîchage).
  • Macro-organismes auxiliaires : insectes prédateurs ou parasitoïdes (ex : trichogrammes, petites guêpes utilisées contre la pyrale du maïs, voir Chambre d’Agriculture 2021).
  • Substances naturelles : extraits de plantes, huiles essentielles, phéromones (ex : utilisation des phéromones pour la confusion sexuelle en arboriculture).
  • Inducteurs de résistance : produits naturels qui stimulent les défenses des plantes contre les maladies (ex : laminarine, extrait d’algues brunes).

Selon la réglementation européenne (règlement UE 1107/2009), un produit de biocontrôle est « un produit d’origine biologique ou naturelle dont la fonction est de protéger les plantes des organismes nuisibles ». En 2022, la France comptait plus de 180 solutions de biocontrôle homologuées à usage agricole (Ministère de l’Agriculture, 2022).

Comment le biocontrôle agit-il contre les maladies agricoles ?

Les maladies des plantes, principalement causées par des champignons, bactéries ou virus, représentent un défi permanent pour la santé des cultures. Le biocontrôle intervient à plusieurs niveaux :

  1. Action directe contre les agents pathogènes Certains micro-organismes bénéfiques (champignons antagonistes, bactéries) entrent en compétition avec les agents pathogènes pour les ressources ou les parasitent, limitant ainsi leur développement. Par exemple, Trichoderma harzianum est capable de parasiter des champignons pathogènes responsables de maladies racinaires chez les cultures maraîchères (source : ANSES, 2022).
  2. Renforcement des défenses naturelles des plantes Certains produits à base d’algues marines ou d’extraits végétaux stimulent les réactions immunitaires des plantes, rendant leur système de défense plus performant face à l’invasion des agents pathogènes.
  3. Modulation de l’environnement Les phéromones, grâce à leur action sur le comportement des insectes ravageurs, contribuent à limiter la dispersion de virus transmis par ces insectes (ex : confusion sexuelle contre le carpocapse dans les vergers de pommiers, source : CTIFL, 2021).
  4. Régulation biologique par antagonistes naturels La lutte biologique s’appuie sur l’introduction ou la conservation d’auxiliaires naturels dans l’écosystème agricole, qui prédatent ou parasitent les ravageurs vecteurs de maladies.

Exemples concrets d’utilisation du biocontrôle en France et en Europe

Loin d’être une simple utopie, le biocontrôle s’ancre déjà dans les pratiques d’agriculteurs français et européens. Voici quelques exemples emblématiques :

  • Vignoble bordelais : lutte contre le mildiou Plusieurs exploitations expérimentent l’usage de micro-organismes (Bacillus amyloliquefaciens) associés à la réduction des doses de cuivre. Résultat : réduction de 30 à 40% des traitements cuivre et maintien de rendements satisfaisants (source : IFV, 2022).
  • Pommes et poires en arboriculture : confusion sexuelle L'application de diffuseurs de phéromones dans les vergers perturbe la reproduction des insectes responsables de maladies virales. En 2022, 65 000 hectares de vergers étaient protégés ainsi en France (ANPP, 2023).
  • Lutte contre la pyrale du maïs avec les trichogrammes Près de 150 000 hectares de maïs sont aujourd’hui protégés par cet auxiliaire naturel en France (AgroSolutions, 2022).
  • Maraîchage : utilisation de biofongicides Des produits composés de champignons antagonistes contre le botrytis permettent de réduire les traitements fongicides chimiques tout en limitant la résistance des agents pathogènes.
  • Céréales : stimulation des défenses naturelles Des extraits d’algues, tels que la laminarine, sont utilisés pour activer la résistance des blés au mildiou, avec une efficacité démontrée en conditions réelles (source : ARVALIS, 2022).

Quels bénéfices attendre du biocontrôle pour une agriculture durable ?

Le succès croissant du biocontrôle tient à sa capacité unique à conjuguer écologie, efficacité et acceptabilité sociétale. Voici les principaux atouts observés sur le terrain :

  • Préservation de la biodiversité : en ciblant spécifiquement les agents pathogènes et ravageurs, le biocontrôle limite l’impact sur les autres organismes vivants indispensables à la vie des sols et au fonctionnement des cultures (abeilles, pollinisateurs, microfaune).
  • Résistance limitée : contrairement aux substances de synthèse, les solutions issues du biocontrôle tendent à limiter l’apparition de résistances grâce à la diversité des modes d’action (référence : Institut du Végétal, ARVALIS 2022).
  • Santé des agriculteurs et qualité des produits : la réduction du recours aux intrants chimiques diminue les risques sanitaires pour les travailleurs agricoles et favorise la production d’aliments à faible résidu.
  • Acceptabilité par les consommateurs : selon une enquête Ifop (2022), 84% des Français perçoivent favorablement l’utilisation de solutions naturelles pour protéger les cultures.
  • Contribution aux objectifs de réduction des pesticides : le plan Ecophyto II+ vise une réduction de 50% de l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2030, et le biocontrôle est l’un des leviers majeurs pour tenir ces engagements européens (source : Ministère de l’Agriculture, 2022).

Limites et défis à relever pour l’essor du biocontrôle

Malgré des avancées tangibles, le biocontrôle fait face à plusieurs défis à prendre en compte :

  • Efficacité variable selon les contextes : de nombreux produits nécessitent d’être employés dans des conditions culturales optimales et en complémentarité avec d’autres pratiques agroécologiques.
  • Formulation et stockage : la viabilité des micro-organismes dans certains produits reste un enjeu technique majeur.
  • Registre réglementaire : l’homologation des produits de biocontrôle reste soumise à un cadre exigeant, parfois long à l’échelle européenne.
  • Veille technique et formation : la réussite des stratégies de biocontrôle passe par l’accès à des conseils adaptés et l’accompagnement des agriculteurs dans la prise en main de ces solutions.

Selon l’Association française des entreprises de produits de biocontrôle (IBMA France), le biocontrôle représentait en 2022 environ 15% des ventes totales de produits de protection des plantes en France, avec un taux de croissance moyen de 14% par an depuis 2016.

Perspectives et innovations à venir

L’avenir du biocontrôle sera marqué par plusieurs axes d’innovation :

  • Intégration numérique : développement de plateformes collaboratives pour le suivi en temps réel des pressions parasitaires et l’optimisation du positionnement des produits de biocontrôle (ex : projet AGRINUM, 2023).
  • Biotechnologies et criblage à haut-débit : découverte accélérée de nouveaux agents microbiens dotés d’une efficacité accrue grâce à l’intelligence artificielle et la génomique (source : recherche française CNRS/INRAE).
  • Co-développement avec les filières : multiplication des partenariats entre start-up, instituts techniques et agriculteurs pour concevoir des solutions adaptées à chaque terroir et filière de production.

Le biocontrôle incarne aujourd’hui l’une des pistes les plus prometteuses pour accélérer la transition agroécologique à l’échelle nationale et européenne. En réconciliant agriculture, innovation et respect des équilibres naturels, il offre aux agriculteurs des solutions concrètes pour affronter la complexité croissante des enjeux sanitaires.

Sources principales : INRAE, ANSES, Ministère de l’Agriculture, IFV, AgroSolutions, ARVALIS, IBMA France, ANPP, CTIFL, Chambre d’Agriculture, CNRS.

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