Tournesol : la culture qui rayonne sur l’agriculture de demain

5 juin 2025

Des graines dorées pour les champs : l’essor du tournesol

Depuis quelques années, le tournesol a repris des couleurs dans le paysage agricole français. Longtemps cantonnée à une culture de diversification, cette plante - remarquable par sa grande fleur jaune qui suit le soleil - s’impose aujourd’hui comme un réel atout pour de nombreux agriculteurs. En 2023, la France a semé 804 000 hectares de tournesol, un record historique, avec une hausse de près de 25 % par rapport à 2021 (Terres Inovia).

Mais pourquoi un tel engouement ? Quels bénéfices cette culture apporte-t-elle dans le contexte actuel de transition agricole, d’envolée du prix des intrants et de crise climatique ? Voici un tour d’horizon des atouts du tournesol, cette plante phare qui sème la promesse d’une agriculture plus résiliente.

Une culture adaptée aux enjeux climatiques 

Résistance à la sécheresse : un atout décisif

Le premier argument majeur en faveur du tournesol est son excellente tolérance à la chaleur et à la sécheresse. Originaire d’Amérique du Nord, le tournesol a développé un système racinaire profond - jusqu’à 2 mètres dans de bonnes conditions - qui lui permet d’aller puiser l’eau en profondeur, au-delà de la portée de nombreuses autres cultures (Arvalis). Grâce à cette capacité, il peut encaisser des épisodes de stress hydrique modérés sans affecter radicalement son rendement.

À l’heure du changement climatique, cette résilience séduit. Selon le CNRS, la France risque de voir sa pluviométrie estivale baisser de 10 à 30 % dans plusieurs régions à moyen terme. Le tournesol, capable de produire sans irrigation même lors des étés chauds (§ source : Terres Inovia), apparaît comme une assurance pour sécuriser une partie des productions céréalières et oléagineuses.

Besoin d’intrants réduit

Contrairement au maïs ou au colza, le tournesol se démarque par ses besoins limités en azote : il nécessite en moyenne 60 à 80 unités d’azote par hectare (Terres Inovia), contre 150 à 200 pour le maïs grain. L’utilisation réduite d’engrais azoté est un argument économique et environnemental de poids, à l’heure où le prix de ces fertilisants a été multiplié par trois entre 2020 et 2022 (> FranceAgriMer).

  • Emission de gaz à effet de serre (GES) moins élevée (moins d’azote = moins de NO)
  • Diminution du risque de lessivage et de pollution des eaux

Des débouchés variés et porteurs

Une demande forte et une filière solide

Le marché du tournesol ne cesse de s’élargir. En France, 90 % de la récolte est destinée à la production d’huile alimentant la filière alimentaire (huiles culinaires, margarines…), mais aussi la cosmétique, les biocarburants ou l’alimentation animale. Depuis la crise en Ukraine (premier exportateur mondial d’huile de tournesol avant 2022), le marché s’est fortement dynamisé en Europe. Les prix agricoles ont atteint en 2022 jusqu’à 730 €/T pour le tournesol oléique, soit près du double de la moyenne 2018-2019 (FranceAgriMer).

  • Huile alimentaire : 87 % de l’huile consommée en France provient du tournesol, devant le colza (Terre-net)
  • Cake et tourteaux : les sous-produits sont riches en protéines, utilisés dans l’alimentation des bovins et volailles, constituant une alternative à la dépendance au soja d’importation
  • Valorisation énergétique : l’huile de tournesol brute peut aussi servir à la production de biodiesel ou d’énergie renouvelable

Nouveaux marchés et innovations

Les segments de niche se développent également avec le tournesol oléique (riche en acide oléique, plus stable à la cuisson, recherché par l’agroalimentaire), les graines décortiquées pour l’alimentation humaine et les applications dans la chimie verte.

Certaines entreprises françaises, comme Oleosyn Bio, travaillent sur des huiles de tournesol biologiques, voire locales, pour répondre à la demande croissante des consommateurs pour des produits plus responsables et traçables.

Une alliée pour l’agroécologie et la biodiversité

Atout pour la rotation des cultures

Intégrer le tournesol dans la rotation des cultures rompt le cycle des maladies et parasites affectant céréales et oléagineux. Il suit très bien le blé ou l’orge et précède idéalement un maïs ou une culture de printemps. Cela contribue à limiter le recours aux pesticides, tout en préservant la fertilité des sols. Selon l’INRAE, l’introduction du tournesol dans une rotation peut réduire les traitements fongicides de 40 % sur la parcelle.

Bénéfices pour la faune pollinisatrice

Chaque fleur de tournesol peut nourrir jusqu’à 150 abeilles par jour (source : Apiservices). Sa floraison estivale coïncide avec une période où les ressources mellifères sont rares, ce qui en fait une culture “refuge” pour abeilles et pollinisateurs sauvages.

  • Pollen abondant, de qualité, essentiel pour la survie des colonies
  • Amélioration de la biodiversité locale (oiseaux granivores, invertébrés)
  • Potentiel apicole avec une production de miels typés prisés en France

Facilité de mise en œuvre et souplesse agronomique

Implantation et gestion peu contraignantes

Le tournesol est réputé pour sa facilité de conduite :

  • Semeuse précoce (fin mars à début mai) même en sols pauvres
  • Croissance rapide, couvrant vite le sol - limite l’invasion d’adventices
  • Peu exigeant en traitements phytosanitaires, il nécessite 2 à 3 passages en moyenne (Terres Inovia), notamment pour les herbicides
  • Matériel standard : pas besoin d’investir dans un équipement spécifique

Également, sa récolte (août à septembre) libère rapidement les sols pour la mise en place de couverts végétaux ou de cultures dérobées, renforçant le capital agronomique de la parcelle.

Diversification des risques techniques et économiques

Multiplier les cultures sur une exploitation - dont le tournesol - permet de lisser l’impact d’aléas climatiques ou économiques. Par exemple, une sécheresse qui ruine le maïs pourra moins affecter le tournesol. Cette diversification limite aussi la dépendance aux récoltes de céréales classiques, dont les cours sont souvent volatils.

Questions et défis à maîtriser 

  • Sensibilité aux corbeaux et pigeons : Les dégâts de ces oiseaux au semis peuvent atteindre 10 % à 30 % sur certaines parcelles. Des filets ou un enfouissement plus profond des graines sont parfois nécessaires (ITB).
  • Maladies fongiques émergentes : Sclérotinia, mildiou et phomopsis nécessitent de la vigilance et des variétés résistantes. Toutefois, les efforts de sélection variétale ont permis une nette amélioration de la résistance naturelle (Terres Inovia).
  • Rendements hétérogènes : Selon le mode de conduite et les conditions, les rendements peuvent fluctuer, de 18 à 35 q/ha en plaine céréalière, mais parfois moins sur sols superficiels. La moyenne nationale 2023 atteint toutefois 27 q/ha, soit un bon niveau pour une culture peu consommatrice de ressources.

Tournesol et transition agricole : une opportunité à saisir 

La dynamique autour du tournesol s’inscrit dans de nombreux parcours de transition agroécologique. Les filières répondent aux attentes : réduction des intrants, amélioration des bilans carbone, valorisation locale des produits, autonomisation protéique et rôle dans la préservation de la biodiversité. De la Champagne à l’Occitanie, la culture de tournesol séduit autant les grandes exploitations que les fermes en agriculture biologique, comme en témoigne la multiplication des projets collectifs de relocalisation (FranceAgriMer, INRAE).

Les évolutions génétiques futures ouvrent d’autres perspectives : tolérance accrue à la sécheresse, résistance aux maladies, optimisation de la composition en huile et adaptation à des systèmes polyculture-élevage ou grandes cultures bio. Le tournesol apparaît donc comme une plante d’avenir, conciliant rentabilité, robustesse et durabilité.

Sa présence grandissante dans les paysages agricoles français incarne une réponse concrète et réaliste aux défis de l’agriculture actuelle. Gageons que ces champs de “soleil” continueront d’inspirer la transition vers une agriculture plus résiliente et tournée vers l’avenir.

En savoir plus à ce sujet :