Les leviers concrets de la diversification agricole
1. Les cultures associées : synergies au champ
Développer des cultures associées (intercropping) consiste à cultiver en même temps, sur la même parcelle, plusieurs espèces végétales qui s’apportent mutuellement un bénéfice. Par exemple :
- Associations céréales-légumineuses : le pois ou la féverole fixent l’azote pour le blé, réduisent l’apport d’engrais, couvrent le sol et limitent les adventices. À l’institut ARVALIS, l’association blé-pois a permis de réduire les intrants de 20 % et d’augmenter la stabilité du rendement même en année sèche.
- Maïs-soja : le soja enrichit le sol, le maïs lui offre de l’ombre, ce qui permet d’éviter les coups de chaud et d’étaler la période de récolte.
- Combinaisons prairie-céréales ou prairie-vigne : apporter de la biodiversité, des fertilisants naturels, et améliorer la structure du sol.
Plus qu’une assurance climatique, c’est souvent un gain économique : selon le CIHEAM, l’association de cultures permet de valoriser 10 à 20 % de rendement supplémentaire sur la même surface, sans chiffre d’affaire volatil aussi marqué qu’en monoculture (source : CIHEAM, 2018).
2. Allonger et diversifier la rotation des cultures
La rotation classique « blé-orge-colza » est trop courte ; allonger la rotation (introduire cinq, six cultures
différentes sur une même parcelle) casse le cycle des maladies et parasites, limite les risques de pertes massives en cas d'aléa climatique ciblé (sécheresse qui grille le colza, été trop humide pour le blé…). En 2022, l’AgroParisTech estimait qu’avec une rotation étendue (5 espèces ou plus), les rendements moyens des cultures en zones sensibles au déficit hydrique étaient supérieurs de 15 % par rapport à une rotation ternaire classique (source : AgroParisTech).
- Introduire des légumineuses fixatrices d’azote (pois, luzerne, trèfle) pour gagner en autonomie en azote, tout en couvrant le sol et en offrant de la ressource pour la biodiversité auxiliaire.
- Amener des cultures de « couverture » : sorgho, moutarde, phacélie… qui protègent la structure du sol lors des intersaisons.
3. Diversification des espaces et infrastructures agroécologiques
La diversification s’opère aussi à l’échelle du paysage. Les haies, bandes enherbées, bosquets ou mares jouent un rôle majeur :
- Haies et arbres intra-parcellaires : brisent le vent, limitent l’évapotranspiration, hébergent pollinisateurs et oiseaux insectivores. Un recensement INRAE/AgroParisTech 2020 montre que sur de grandes cultures, la réintroduction de haies fait économiser jusqu’à 30 % sur la protection phytosanitaire, tout en maintenant les rendements (INRAE).
- Bandes enherbées et couverts fleuris : soutiennent les abeilles et syrphes, essentiels à la pollinisation des cultures florales souvent sensibles à la chaleur.
- Mares et zones humides : tamponnent les inondations, stockent l’eau pour les périodes de sécheresse.
4. Diversification génétique : choisir et combiner intelligemment des variétés
Un point trop souvent ignoré : la diversité ne concerne pas uniquement les espèces mais aussi les variétés. Mélanger des variétés d’une même culture (ex : plusieurs types de blé ayant des dates de maturité ou des tolérances aux stress différentes) permet d’assurer une récolte partielle en cas de problème ponctuel.
Face au gel tardif de 2021, nombre de viticulteurs bio en Bourgogne ont mieux tiré leur épingle du jeu grâce à des parcelles plantées de cépages divers et des clones plus rustiques (source : Vitisphère).