Intrants agricoles : comprendre leur rôle et leur impact pour mieux cultiver demain

3 juin 2025

Définir l’intrant agricole : quelle place dans la production ?

Dans le vaste univers de l’agriculture, le terme « intrant » revient souvent, parfois chargé d’enjeux, parfois mal compris. Pourtant, la compréhension des intrants constitue une étape essentielle pour quiconque souhaite s’engager dans une démarche agricole responsable ou tout simplement mieux saisir les rouages de la production alimentaire. À la croisée de la science, de l’économie et de l’écologie, ce concept se révèle central, à la fois technique et porteur de questionnements sur l’avenir de nos systèmes agricoles.

Un « intrant » désigne tout produit ou substance introduit dans un système de culture pour améliorer la production agricole. Le terme s’oppose à « input » en anglais, mais sa portée en France comme à l’international ne cesse d’évoluer. Les intrants peuvent être d’origine chimique, biologique ou naturelle, et leur importance va bien au-delà de l’image du seul produit phytosanitaire souvent associée à l’agriculture conventionnelle.

Quels sont les différents types d’intrants ?

L’agriculture moderne utilise divers intrants, chacun ayant un rôle précis dans la performance des cultures et la gestion des exploitations. Voici les principales catégories :

  • Engrais :
    • Minéraux (engrais chimiques) : azote, phosphore, potassium.
    • Organiques : fumier, compost, engrais verts.
  • Produits phytosanitaires :
    • Pesticides, herbicides, fongicides, insecticides.
    • Biocontrôle (prédateurs naturels, solutions microbiologiques).
  • Semences : hybrides, génétiquement modifiées (OGM), traditionnelles ou paysannes.
  • Aliments pour bétail : concentrés, ensilages, minéraux, correcteurs d’azote.
  • Autres intrants : produits vétérinaires, régulateurs de croissance, additifs d’irrigation.

Selon l’INSEE, en 2021, les dépenses en engrais et amendements représentaient près de 7 milliards d’euros pour l’agriculture française [INSEE]. Les techniques et quantités varient énormément selon les types de cultures, les sols, le climat ou encore l’accès à l’innovation.

Pourquoi les intrants sont-ils devenus centraux dans l’agriculture ?

Le recours aux intrants s’est accéléré au XXe siècle, notamment avec la « Révolution verte » (années 1960-70). L’objectif : produire plus, nourrir une population mondiale en pleine expansion — en 1960, la France comptait 46 millions d’habitants, contre plus de 68 millions en 2024, une évolution similaire constatée sur tous les continents (Nations Unies). Les engrais azotés ont permis un doublement des rendements céréaliers mondiaux en 40 ans (FAO).

  • Sécuriser et augmenter la production alimentaire.
  • Lutter contre les ravageurs et les maladies, améliorer l’efficacité des cultures.
  • Répondre aux exigences d’une filière agroalimentaire mondialisée (standardisation des produits, rendement, sécurité sanitaire).

Sans les engrais de synthèse, la planète ne pourrait sans doute pas nourrir la population actuelle. Selon le magazine Nature, 48% des apports mondiaux en protéines végétales sont imputables aux engrais azotés industriels (Nature Communications, 2019).

L’impact des intrants : entre gains de productivité et défis environnementaux

Si les intrants ont permis des avancées majeures, leur utilisation massive entraîne des effets secondaires parfois lourds :

  1. Santé des sols : L’usage prolongé d’engrais chimiques peut appauvrir la biodiversité microbienne des sols et accélérer leur érosion (source : FAO sols).
  2. Pollutions de l’eau : Les nitrates et phosphates issus du lessivage provoquent l’eutrophisation des rivières et nappes phréatiques (rapport IFREMER 2022 : 39% des masses d’eau superficielles françaises étaient en état écologique moyen à mauvais, la fertilisation agricole en étant l’une des causes majeures).
  3. Émissions de gaz à effet de serre : La fertilisation azotée est ainsi responsable de plus de 10% des émissions agricoles françaises, via le protoxyde d’azote (NO), gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO (Ministère de la transition écologique).
  4. Risques sanitaires : Résidus de pesticides et antibiorésistance sont régulièrement pointés du doigt par les autorités de santé. En 2021, la France a vendu 44 000 tonnes de substances actives phytopharmaceutiques, soit une forte dépendance de certains secteurs à ces intrants (Chiffres Clés de l’Agriculture, ministère Ecologie).

Ces impacts ne sont pas une fatalité, mais ils poussent le monde agricole à reconsidérer son rapport aux intrants.

Vers un usage plus raisonné et des alternatives durables

L’enjeu actuel n’est pas tant la suppression radicale des intrants, mais une réflexion profonde sur leur nature, leur origine, leur mode et leur quantité d’emploi.

L’agriculture biologique et la réduction des intrants

  • En bio, les intrants de synthèse sont bannis, mais d’autres intrants — amendements organiques, extraits végétaux, biostimulants — peuvent être utilisés.
  • En 2022, 10,7% des surfaces agricoles françaises étaient engagées en bio (Agence Bio), ce qui démontre une transition progressive.

L’essor du biocontrôle et de la bio-inspiration

  • Utilisation d’auxiliaires (coccinelles contre pucerons, nématodes contre larves nuisibles), de substances naturelles (argile, huiles essentielles, micro-organismes).
  • Le marché européen des solutions de biocontrôle a connu une croissance de près de 15% par an sur la dernière décennie (IBMA Global).

Innovation et agriculture de précision

  • Les outils connectés permettent d’ajuster à la dose près les apports d’engrais ou de produits phytosanitaires (fertilisation de précision, pulvérisation ciblée par drones ou robots).
  • Des capteurs mesurent l’humidité, la nutrition, la pression des maladies pour intervenir uniquement là où c’est nécessaire.
  • En France, plus de 3 000 exploitations étaient déjà équipées de stations météo connectées à leur parcelle en 2022 (Institut Terra).

Valorisation des ressources locales

  • Compost, digestats de méthanisation, engrais verts, légumineuses en rotation viennent nourrir les sols sans dépendance à l’importation d’intrants de synthèse.
  • Selon la FAO, le recours à ces techniques peut réduire la dépendance aux engrais minéraux jusqu’à 30% tout en restaurant la fertilité naturelle (FAO Agroécologie).

Comment choisir ses intrants aujourd’hui ? Quelques critères pour des pratiques responsables

La gestion raisonnée des intrants passe par une connaissance fine de sa parcelle, une écoute précise de ses sols, de ses plantes et du contexte local. Cela implique aussi de s’informer sur la composition, la provenance, la certification et la toxicité potentielle de chaque intrant.

  • Diagnostic agronomique : réaliser des analyses de sol régulières pour connaître les vrais besoins, éviter les apports inutiles.
  • Origine des intrants : privilégier les ressources locales, réduire la dépendance au pétrole ou au gaz (engrais azotés synthétiques = forte consommation d’énergie fossile).
  • Cycle de vie : évaluer l’impact environnemental global (production, transport, utilisation, déchets).
  • Certification : choisir, si possible, des intrants certifiés ou labellisés (Ecocert, AB, EU Biocontrôle).
  • Formation : se former en continu pour rester à jour sur les alternatives et nouvelles techniques disponibles.

Les chambres d’agriculture, les réseaux de GIEE (Groupements d’Intérêt Économique et Environnemental) et les réseaux de fermes Dephy (Ecophyto) accompagnent cette évolution partout sur le territoire.

Réussir la transition agroécologique : un enjeu partagé

Le défi des prochaines années porte sur un équilibre délicat : garantir des productions sûres, en quantité suffisante, tout en limitant l’empreinte écologique. La révolution des intrants est au cœur de cette transition.

Intégrer les innovations, valoriser le vivant, réapprendre à écouter les cycles naturels : ces leviers permettent de nourrir la réflexion sur l’utilisation des intrants. La force de l’agriculture de demain tient à son ouverture, à sa capacité à s’accorder avec les évolutions scientifiques, économiques mais aussi sociales. Prendre conscience de l’importance des intrants, c’est faire le choix d’une agriculture lucide, ambitieuse et respectueuse des équilibres essentiels à la vie.

En s’informant, en échangeant et en expérimentant, chaque acteur du monde agricole, amateur ou professionnel, contribue à inventer une nouvelle manière de cultiver la terre — plus responsable et durable.

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