Comprendre la législation actuelle sur les engrais, fertilisants et biostimulants agricoles

22 juin 2025

Pourquoi encadrer les intrants agricoles ?

L’encadrement des engrais, fertilisants et biostimulants n’est pas le fruit du hasard. Les intrants agricoles jouent un rôle clé dans la productivité et la santé des cultures, mais ils peuvent générer des risques pour l’environnement et la santé. Le nitrate, par exemple, est aujourd’hui l’une des principales causes de pollution des eaux européennes (Agence européenne pour l'environnement). Réglementer leur utilisation, leur mise sur le marché, leur composition et leur application revient donc à préserver les sols, l’eau, l’air et la biodiversité, tout en garantissant une agriculture compétitive.

L’architecture réglementaire européenne et française

  • Au niveau européen : Le Règlement UE 2019/1009, en vigueur depuis juillet 2022, bouleverse le cadre des matières fertilisantes. Il harmonise la mise sur le marché des "produits fertilisants UE", introduisant aussi la notion de biostimulants végétaux et des exigences de sécurité renforcées (EUR-Lex).
  • En France : Les engrais et amendements organiques sont encore régis, pour partie, par l’Arrêté du 13 juin 2022 et la norme NF U44-051, en attendant une complète harmonisation avec le règlement européen. Les conditions d’épandage sont liées au Code rural et au Code de l’environnement.

Ainsi, les producteurs, importateurs et utilisateurs doivent naviguer dans un double système, entre réglementation européenne et textes nationaux.

Ce que dit la loi sur les engrais et fertilisants classiques

Qu’est-ce qu’un engrais ?

Selon la directive européenne et la législation française, un engrais est "un produit dont la fonction est de fournir des nutriments à la plante". Ils se déclinent en trois grandes familles :

  • Engrais minéraux : d’origine chimique (NPK, urée, nitrates, phosphates).
  • Engrais organiques : issus de la transformation de matières organiques végétales ou animales (fumier, compost).
  • Engrais organo-minéraux : mélange des deux précédents, équilibrant rapidité et persistance.

Normes, autorisations et étiquetage : ce qu’il faut savoir

  • Dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) : tout engrais doit répondre à des critères stricts (efficacité, innocuité, traçabilité).
  • Composants interdits : au-delà de certains seuils, la présence de métaux lourds (exemple : < 1,5 mg/kg de Cd dans certains engrais phosphatés au niveau français), d’agents pathogènes ou de résidus d’antibiotiques est prohibée (Ministère de l'Agriculture).
  • Étiquetage obligatoire : il doit préciser la nature, la concentration des nutriments principaux (N, P, K), le type d’engrais, les précautions d’emploi, ainsi que le numéro de lot.
  • Contrôles et sanctions : la DGCCRF et l’ANSES contrôlent régulièrement les lots mis sur le marché, avec retrait ou sanctions en cas de non-conformité.

Le cadre spécifique des biostimulants végétaux

La nouveauté phare du règlement UE 2019/1009 est la reconnaissance des biostimulants comme catégorie à part entière. Leur objectif n’est pas de fertiliser directement, mais de stimuler les processus naturels des plantes, comme l’absorption des nutriments ou la résistance au stress. Depuis 2022, pour être commercialisé en tant que biostimulant, un produit doit répondre à des normes de sécurité élevées, prouver son efficacité (méthodes standards validées) et respecter une liste positive de substances autorisées (micro-organismes, extraits végétaux, etc.).

  • Exigence de traçabilité et de pureté : les biostimulants ne doivent pas contenir de pathogènes humains, ni dépasser certains seuils de métaux lourds (ECHA).
  • Obligation d’étude d’impact sur l’environnement : notamment lorsqu’ils contiennent des micro-organismes exogènes.
  • Communication commerciale encadrée : les allégations “anti-stress”, “amélioration de la photosynthèse”, etc., doivent être éprouvées scientifiquement.

Le marché des biostimulants en Europe progresse de +10 % par an et pesait déjà 1,5 milliard d’euros en 2020 (Union Européenne des Biostimulants).

Protection des sols, des eaux et des riverains : restrictions et zones vulnérables

Les épandages : qui peut faire quoi, où et quand ?

Les règles d’épandage prennent en compte la topographie, le type de sol mais surtout la vulnérabilité des milieux aquatiques. En France, 68 % des nitrates d’origine agricole qui polluent les eaux superficielles proviennent des engrais azotés (Cour des Comptes, 2019).

  • Zones vulnérables : en lien avec la directive Nitrates, l’usage d’engrais azotés y est strictement encadré, avec des périodes d’interdiction (“fenêtre d’épandage”), des plafonds d’apport et des distances imposées vis-à-vis des cours d’eau.
  • Plans d’actions locaux et enregistrement : traçabilité obligatoire, seuils précis et transitions imposées vers des pratiques plus respectueuses (couverts végétaux, rotations).
  • Bandes enherbées : zones tampons de 5 à 10 mètres en bordure des cours d’eau.

Quels contrôles et sanctions en cas d’infraction ?

Les contrôles sur le terrain s’intensifient : l’ANSES, la DGCCRF et l’OFB réalisent chaque année plusieurs milliers de visites sur les exploitations, points de vente et industriels. Les infractions constatées – défaut d’enregistrement, dépassement des seuils, utilisation d’intrants interdits – peuvent entraîner :

  • Des amendes et des pénalités financières (parfois supérieures à 1500 € par hectare non conforme).
  • Des retraits de lots ou de produits du marché.
  • Des suspensions d’aides PAC, voire dépôt de plainte.

Le risque pour la réputation des exploitants n’est pas négligeable, au-delà des sanctions économiques.

Des perspectives : innovations et évolutions attendues

La réglementation ne cesse d’évoluer pour accompagner la transition agroécologique. Plusieurs tendances majeures se dessinent :

  • Vers une biomasse circulaire : le recours aux digestats de méthanisation et aux engrais issus de l’économie circulaire gagne du terrain, mais nécessite des adaptations réglementaires pour garantir la sécurité sanitaire.
  • Restriction accrue sur les engrais minéraux : l’Union européenne souhaite abaisser les limites admissibles en cadmium (Cd) pour les engrais phosphatés à 40 mg/kg en 2026, contre 60 mg/kg aujourd’hui, pour limiter la contamination des sols (Parlement européen).
  • Pleine reconnaissance des biostimulants microbiens : l’intégration de nouveaux micro-organismes dans la liste positive européenne est un enjeu pour l’innovation (exemple : bactéries PGPR).
  • Digitalisation et traçabilité : les outils numériques (cartes d’épandage, capteurs) deviennent incontournables pour répondre aux exigences réglementaires de suivi et d’optimisation des apports.

Face à ces évolutions, se former et anticiper les changements devient un impératif pour tous les acteurs agricoles.

Pour aller plus loin : ressources utiles et retours de terrain

La législation sur les engrais, fertilisants et biostimulants, loin d’être figée, accompagne les besoins de transparence, d’innovation et de sécurité pour une agriculture responsable. Se familiariser avec ce cadre, c’est donner à chaque acteur rural les clefs pour construire une production nourricière et respectueuse de son environnement. Cet équilibre entre innovation et réglementation sera décisif dans la réussite de la transition agricole – un enjeu au cœur de notre temps.

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